La réforme Berthoin, adoptée à la fin de l’année 1959 a imposé la scolarisation jusque 16 ans des enfants nés à partir de 1953, ils n’avaient que 6 ans au moment de sa promulgation. Cela a laissé 5 ans pour augmenter les capacités d’accueil, notamment par la construction de nouveaux collèges. De son entrée en vigueur jusqu’en 2010 le nombre de collèges publics n’a cessé d’augmenter. Jusqu’au début des années 1980, les collégiens étaient pour partie orientés en fin de cinquième vers les collèges d’enseignement technique devenus lycées d’enseignement professionnel. La mise en place des BEP et CAP en 2 ans après la troisième en préliminaire à la création des baccalauréats professionnels a entrainé la réduction puis la disparition des orientations de fin de cinquième dans l’enseignement public. Il reste quelques formations professionnelles agricoles accueillant des élèves après la cinquième dans des établissements privés, notamment des Maisons Familiales Rurales. De ce fait, entre 1985 et 1990, les effectifs de collégiens se sont rapprochés à quelques milliers près des effectifs des classes d’âge correspondantes, la différence correspondant aux décrocheurs et aux enfants scolarisés dans des établissements médico-éducatifs.
Si le nombre de collèges progresse, le parc d’établissements publics connaît des modifications à la marge. Jusqu’en 2008, les ouvertures d’établissements varient chaque année entre 8 et 30 et correspondent à l’équipement des agglomérations en croissance démographique forte notamment dans les banlieues à l’est de Paris ou dans les deux premières des grandes agglomérations. Des fermetures sont opérées dans quelques espaces ruraux et compensées par des ouvertures dans les espaces en forte urbanisation. Les données disponibles ne rendent pas compte des opérations croisées de fermeture-réouverture lors du remplacement de bâtiments vétustes ou présentant des risques pour la sécurité (collèges Pailleron). En zone urbaine, à partir du début des années 2000, certains établissements, notamment implantés dans des quartiers centraux fusionnent ou ferment en raison des évolutions démographiques induites par l’évolution des prix de l’immobilier. Tous les couples avec enfants d’âge scolaire n’ont plus forcément les revenus nécessaires pour se loger en ville. De 2009 à 2013, il n’y a quasiment plus d’ouvertures nettes et même, pendant 2 ans, pour la première fois depuis 1960, le nombre de collèges diminue. De 2014 à 2016, quelques nouveaux établissements sont créés, alors que plusieurs conseils départementaux, principalement ruraux (Ardennes, Meuse) entreprennent de revoir la carte des collèges du fait de la diminution de la population des collégiens. Depuis la rentrée 2017, à nouveau le nombre de collèges diminue.
Des fermetures en zones rurales, mais pas seulement
Entre 2010 et la rentrée 2018, les fermetures nettes de collèges avec disparition de cet équipement ont affecté 21 communes. Pour l’essentiel, il s’agit de communes rurales à faible population en âge d’être au collège. Dans un cas il s’agit d’une opération permettant de regrouper dans un même établissement les élèves de 2 collèges en perte d’effectifs situés dans des communes contigües.
Les quatre communes urbaines perdant leur dernier collège sont toutes des communes de banlieue ayant subi la désindustrialisation par le déclin de la métallurgie. Dans l’une d’entre elles, Colombelles, dans la banlieue est de Caen, la fermeture présente un caractère singulier.
Une anomalie exemplaire, la fermeture du collège de Colombelles
Alors que les effectifs sont stabilisés et que la population communale ne cesse d’aug-menter, avec la livraison- ouverture de plusieurs centai-nes de logements (+de 1000 habitants en plus entre 2010 et 2019), le collège, classé en REP, est fermé à l’initiative du Conseil Départemental du Calvados. Les 350 jeunes en âge d’être collégiens et habitant la commune auraient pu constituer un effectif largement suffisant pour maintenir le collège ouvert. Mais près de 150 d’entre eux étaient inscrits dans les établissements privés de 2 communes voisines (Caen et Hérouville-Saint- Clair) ou dans des établissements publics en bénéficiant d’une dérogation. Ces élèves mobiles vivent
dans des familles plutôt favorisées, si bien que le collège local s’est retrouvé avec un nombre d’élèves ré-duit, issus en majorité de familles défavorisées. A plus de 70% les parents étaient ouvriers ou inactifs. Depuis la rentrée de septembre 2018, les élèves, encore scolarisés au collège de Colombelles l’année précédente, ont été invités à s’inscrire dans celui de Mondeville.
Les pratiques de scolarisation des familles les plus aisées ont eu raison du collège de secteur, en conséquence le REP qui permettait aux écoles de la commune de disposer de moyens supplémentaires a été remis en cause, l’engagement de l’Éducation nationale de le maintenir se limitant à l’année 2018-2019. Le développement résidentiel des communes à l’est de Caen est tel que la nécessité de construire un nouveau collège public dans cette partie de l’agglomération ne peut pas être exclue dans les années à venir.
Un deuxième collège du département, lui aussi à faible effectif et à évitement prononcé, a été fermé sans véritable opposition, celui de Port-en-Bessin-Huppain. Il était implanté dans le canton du président du Conseil Départemental. Si la fermeture de ce collège équipant un secteur en déclin démographique et fortement concurrencé par les établissements publics et privés mieux dotés en option de Bayeux, pouvait attendre encore un an ou deux, elle était sans doute inévitable. La situation était différente pour le collège de Colombelles, une attente de deux ou trois ans aurait pu permettre de le sauver. La conjonction de plusieurs facteurs l’a empêché. Les bâtiments de ce collège étaient restés propriété de la commune, le Département ne souhaitait pas subventionner la mise aux normes de locaux ne lui appartenant pas, en outre et il n’avait pas à gérer le devenir de cette éventuelle friche. L’Éducation nationale était confrontée à un REP en perte de dynamique et pouvait réaffecter les moyens ailleurs.
La distance influe sur l’orientation de fin de troisième
Une étude récente de la DEPP intitulée Une mesure de l’éloignement des collèges – NI N°19.36 – octobre 2019 analyse les effets de l’éloignement du collège (distance au domicile des élèves et aux autres établissements secondaires. Si le constat du plus fort éloignement dans les départe-ments ruraux, particulière-ment ceux de montagne ne surprend pas, les effets de l’éloignement sur l’orientation de fin de troisième interrogent l’égalité des élèves en matière d’orientation.
Dans la figure ci-dessous les collèges ont été répartis en déciles fondés ………………………………………………………………….. sur l’indice d’éloignement calculé par la DEPP ………….. ……………… …………………………………………………………………. Une mesure de l’éloignement des collèges – NI N°19.36 – octobre 2019
Plus l’indice d’éloignement est élevé, moins les élèves sont orientés vers les secondes générales ou technologiques et plus ils choisissent l’enseigne-ment agricole ou les for-mations par l’alternance. Cela ne découle sans doute pas uniquement de l’éloignement, mais aussi de la position sociale des familles résidant dans les secteurs les plus éloignés. Pour autant le système éducatif et l’offre éducative locale n’assurent pas le même accès à toutes les formations.
A consulter. https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/29/egalite-des-chances-les-inegalites-educatives-territoriales-ne-sont-pas-uniquement-celles-que-l-on-croit_6054004_3224.html?xtor=EPR-33281056-%5Beducation%5D-20200929-%5B_titre_4%5D
Pages avec une thématique proche
L’évolution du réseau d’établissements secondaires
Une offre élémentaire de plus en plus concentrée
La réouverture d’écoles publiques en Loire-Atlantique
Table des matières, Retour à l’accueil
Mise en ligne le 05/06/2019. Dernière mise à jour 03/01/2020