Carte scolaire et information du public

Extrait partiel, actualisé et augmenté d’une communication au colloque Cartographie, géographie et sciences sociales.  Tours 21-23/10/2000

Alors que la carte scolaire est un des fondements de l’organisation du système éducatif en France depuis près de 60 ans, les considérations spatiales sont peu présentes dans l’analyse du fonctionnement du système éducatif, on ne les retrouve que dans quelques expressions comme « école rurale« , « collège de banlieue« , établissement de « centre ville« , « réseau d’éducation prioritaire ». De même, si le Ministère de l’Éducation nationale utilise des cartes depuis un peu plus de vingt ans pour présenter les faits scolaires, il a fallu attendre l’édition 2017 de Géographie de l’école pour voir apparaître l’échelle du bassin de vie dans la description de l’école élémentaire, les cartes sont très majoritairement à l’échelle départementale pour l’élémentaire et académique pour l’enseignement secondaire, ou régionale pour l’apprentissage. Le cadre retenu est un cadre administratif qui lisse les écarts et les inégalités et masque pour la plupart des indicateurs les écarts les plus importants, ceux entre écoles ou établissements. De même lors de l’annonce des modifications de la carte scolaire et les mouvements revendicatifs qui en découlent, la carte est peu utilisée, on lui préfère la liste des postes fermés, bloqués et créés et la question est ainsi réduite à la gestion des emplois. Ce n’est qu’en 2000 que le Monde a recouru à la carte pour décrire la redéfinition des secteurs de recrutement des lycées parisiens. Cette opération modifiait la composition sociale des populations scolarisées dans les lycées (celle effectivement accueillie dans l’établissement) en modifiant les périmètres des populations scolarisables (celles qui habitent les secteurs). Lorsque la carte scolaire est modifiée pour adapter l’offre à une demande en baisse du fait du déclin démographique, le recours à la carte est délaissé.

Les indicateurs de la réussite et de l’échec scolaire ne sont qu’exceptionnellement présentés en relation avec la carte scolaire, et, lorsqu’ils le sont, les écoles et établissements servent de point de référence sans que soient pris en compte les écarts de composition sociale entre la population effectivement accueillie et la population résidant dans le secteur. L’écart est pourtant important. Certaines écoles de secteur des quartiers paupérisés sont évitées  par les enfants des groupes aisés qui choisissent une autre école publique de centre ville ou une école privée. Certaines écoles de centre ville accueillent ces élèves en évitement. Dérogations et recours au privé sont ainsi masqués. Très peu de Rectorats et de Directions Départementales des Services de l’Éducation Nationale, mais aussi très peu de municipalités  mettent spontanément à disposition des chercheurs et encore moins du grand public les données relatives à ces mobilités. De même la carte scolaire n’est que rarement en accès direct.

Dans les publications rectorales ou départementales, comme dans celles de l’ONISEP, les cartes sont essentiellement des outils de localisation de l’offre d’enseignement en termes de sections et d’options par établissement. En conséquence, les faits scolaires ne sont presque jamais présentés à travers l’établissement fréquenté, à une exception près, les indicateurs de réussite au baccalauréat ou au Diplôme national du Brevet. Ces données sont transformées en palmarès par de nombreux magazines. Mais y compris dans ce cas, la carte n’est pas utilisée pour analyser la répartition des résultats, les dimensions sociales et spatiales du recrutement des établissements sont majoritairement éludées et donc ne prennent pas en compte les effets de la carte scolaire.

Alors que la carte scolaire est au centre des stratégies des différents acteurs, répartition des moyens pour l’administration, choix de l’établissement pour les parents mais aussi les enseignants, elle est globalement invisible. On ne peut que s’interroger sur ce paradoxe.

A l’origine, la carte scolaire a été instituée pour permettre l’affectation des élèves au mieux des capacités d’accueil des écoles et établissements secondaires publics, elle n’a jamais été imposée en tant que telle au privé. La réforme Berthoin prescrivait la généralisation du passage en sixième pour des classes d’âges dont les effectifs eux-mêmes augmentaient, sous peine de déséquilibre entre établissements, la sectorisation devenait indispensable. La répartition arbitraire des élèves en fonction de leur lieu de résidence était justifiée par le dogme politique et administratif de l’uniformité des établissements (Collèges Secondaires, Collèges d’enseignement général, Cours Complémentaires venaient de fusionner, les lycées technique et professionnels n’existaient pas encore) qui garantissait l’égalité des élèves devant l’enseignement. En raison même de l’égalité supposée des établissements aucune information n’était publiée par l’État sur le fonctionnement et les résultats des établissements. C’est par le seul bouche à oreille que les parents pouvaient se faire une opinion sur écoles et établissements, à moins de disposer d’informations par le biais de leurs réseaux.

Cependant dès le début de la sectorisation, parents, enseignants, personnels de direction, administrateurs et élus ont eu l’intuition ou la connaissance de différences, réelles ou supposées, entre les établissements et ont pu développer en conséquence des stratégies pour éviter de mettre leur enfant dans tel collège et lui préférer tel autre. La reconnaissance officielle de l’absence d’uniformité et des différences a été beaucoup plus tardive. Elle n’est intervenue qu’au début des années 1980 lorsque le redoublement, le retard scolaire et les sorties anticipées du système scolaire ont atteint leur maximum. La DEP (acronyme de la DEPP à l’époque) a non seulement fourni les indicateurs montrant la nécessité de prévoir des dispositifs particuliers les ZEP, mais elle a aussi publié (rendue public au vrai sens du terme) une partie des indicateurs à travers Repères et Références Statistiques et les Notes d’Information (appelées un temps notes bleues). Le phénomène a été amplifié et prolongé, les tableaux de bord ont été multipliés, une partie des données est désormais en open-data, sur http://www.data.gouv.fr et ses déclinaisons régionales, par exemple pour la Normandie. https://data.normandie.education.gouv.fr/pages/accueil/

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Dernière mise à jour : 10 Mai 2019  Dernières corrections et compléments 17/12/2019

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